Mon expérience de vol R/C remonte à il y a peu de temps: j'avais acheté, il y a bien des années, un kit d'Electra en me disant : « un jour... »
En 1993, par hasard, je retrouvais 20 ans plus tard, un ami d'enfance, Louis, (il s'appelle Louis lui aussi) qui n'avait pas cessé ses activités de modélisme depuis son adolescence. Il était devenu pilote T/C expert. Son sous-sol, une vraie caverne d'Alibaba du modélisme T/C : il y avait des avions accrochés un peu partout, des moteurs (beurk!) en quantité, des tonnes de quincaillerie, des piles de revues de modélisme et un seul planeur...
Je me décidai donc à construire et à faire voler un Electra sous la gouverne experte de Louis qui m'assurait que je n'aurais pas de problèmes (crashes, etc.). J'avoue que j'avais de grands doutes c'est pourquoi en magasinant une aile de rechange pour mon Electra, j'ai réalisé que je pouvais obtenir un kit de Sophisticated Lady presque pour le même prix. Le SL utilisait la même aile que l'Electra, j'ai donc acheté un SL et j'ai construit l'aile, convaincu que j'en aurais besoin puisque je briserais l'aile de mon Electra dès les premiers vols. Louis avait raison : après quelques vols sous sa supervision, je devenais autonome et j'ai passé l'été à faire voler mon Electra sans l'égratigner.
Seul intéressé au planeur dans la région j'avais fort à faire pour conserver ma conviction qu'il était possible de faire du vol thermique à Québec. « Il n'y a pas de thermiques à Québec » disaient certains, « ça c'est un type de vol qu'on ne peut faire que dans le sud-ouest américain, là il y en a des thermiques monsieur! ». Ma conviction était d'autant plus ébranlée que le site où je volais était pauvre en ascendances et que mon Electra était particulièrement lourd. Malgré tout, j'ai réussi à gratter quelques thermiques, rien de spectaculaire mais ça montait... un peu!
L'élégant fuselage du SL dormait dans sa boîte en pièces détachées: « quelle tristesse! » Je l'ai assemblé, question de me faire plaisir. Dès lors, le cheminement logique consistait à le faire voler. Je ne possédais pas de Hi-start, c'était la mi-septembre, les vents d'automne avaient commencé à souffler, la saison de vol achevait. Advienne que pourra, je me décidai à utiliser le SL en vol de pente, au pire, je disposerais de tout l'hiver pour le reconstruire. Je savais qu'il y avait, à quelques km de chez moi, des sablières qui pourraient peut-être convenir : une dénivellation d'une vingtaine de mètres, perpendiculaire aux vents dominants et faciles d'accès. C'est du haut de cette faible dénivellation que j'ai eu mes premières palpitations de vol de pente. La première impression c'est qu'il vente beaucoup trop fort. Je n'avais pas d'anémomètre à cette époque et je pense que la vitesse du vent est un peu plus grande près du rebord d'une dénivellation que devant celle-ci. Bref, lorsqu'on est sur le rebord, ça semble pire que c'est.
La casquette est bien calée, l'émetteur est « on », le récepteur est « on », les surfaces mobiles répondent bien... à la grâce de Dieu! Je lance le SL en lui pointant le nez par le bas (par chance j'avais lu cela quelque part) et... c'est l'extase: plusieurs immenses minutes d'un vol gracieux et bien contrôlé, juste là, à quelques mètres devant moi. L'atterrissage, pas de problème. Je relance à deux reprises, mêmes extase, même atterrissages.
J'ai bien sûr volé à plusieurs reprises à cet endroit avec mon SL mais j'avais des visions d'un vrai planeur de vol de pente, une machine rapide, munie d'ailerons. J'ai donc construit ce type d'appareil à partir d'un plan de R/C Modeler, un Skorpion que j'ai légèrement modifié : d'aile basse, je l'ai transformé en avion à aile haute en pensant que plutôt que d'atterrir sur l'aile, il atterrirait sur le fuselage lequel est plus résistant. J'ai donc appris à fabriquer des ailes de styrofoam coffrées de balsa. Les essais de cet avion de 54 po. d'envergure et de 28 onces pour 9 onces/pi.2, Eppler 374 ont été nettement moins fructueux que mes vols avec le SL. Cela m'a pris plusieurs tentatives pour comprendre que, peut-être, ma petite pente ne générait pas suffisamment d'ascendances pour cet avion. J'ai donc construit un avion-école pour explorer de nouveaux sites, un simple planeur en styrofoam baptisé Foamy, toujours une aile Eppler 374, 48 pouces d'envergure, 432 pouces carrés, 20 onces pour 6,6 on/pi.2. Peu de succès dans la région mais comme nous avions planifié un voyage en famille aux Îles de la Madeleine je ne perdais pas espoir. Comment transporter les trois membres de la famille plus leurs bagages, plus nos deux gros chiens dans une Subaru? Excellente occasion de louer une Caravan allongée; en plus les deux planeurs y entreraient aisément...
Les Îles, c'est beau mais c'est loin. Est-ce que c'est plus beau que c'est loin? Nous en ignorons encore la réponse malgré que cette question ait fait l'objet de nombreux débats. Mais, aux Îles il vente tout le temps, et, comme ce sont des îles, il y a donc toujours une rive orientée face au vent. D'abord, j'ai été déçu car j'espérais trouver des sites comme celui de Torrey Pines : des falaises à tout casser; mais les seules que j'y ai vues étaient à l'autre bout de l'île. Il m'a fallu revoir mes exigences à la baisse et faire un peu d'expérimentation pour découvrir une anse à 5 minutes de notre chalet. De prime abord, la pente était décevante, elle était encore moins haute que celle de ma carrière de sable mais elle générait une ascendance plus que suffisante. De plus, l'air qui la frappait n'ayant probablement pas rencontré d'obstacle depuis l'Europe (j'exagère à peine!) était d'une douceur fantastique, turbulence : nil. Enfin, l'espace d'atterrissage, sans clôtures, sans vache, aucun obstacle sauf du foin, était trop grand : malgré mon faible talent, je n'arrivais pas à l'utiliser au complet.
C'est là j'ai appris à voler en vol de pente, mes profs: des goélands conciliants qui m'autorisaient à voler en formation avec eux et qui m'indiquaient la largeur de la bande d'ascendance. Là j'ai également appris que lorsque le vent forcit, un avion vole mieux s'il est lesté. Enfin, je le savais pour l'avoir lu, mais je ne pensais pas avoir à lester mes planeurs avant un certain temps, je n'avais donc pas de lest dans mes bagages. C'est ainsi que pour me procurer quelques bandes de plomb, je me suis retrouvé, au magasin de Harley Davidson de l'île, seul avec mon air ahuri intello d'un touriste perdu, au beau milieu d'une bande de motards-gros-bras-tatoués-cheveux-longs-barbes-vestes-crestées-joint-de-pot-à-la-commissure-des-lèvres-regard-inquisiteur-méfiant. J'ai vécu, en ces quelques instants, un défilement d'émotions à tout le moins comparable à celui que devrait ressentir une poule qui passe dans une tanière de renards. Bref je voulais du plomb, j'ai eu du plomb, mais j'ai senti clairement que ce n'était ni le moment ni l'endroit pour expliquer à quoi il me servirait.
Dans des vents qui ne me permettait pas de garder ma casquette sur la tête, même bien serrée et la palette par en arrière, des vents qui voulaient arracher l'aile de mon planeur au moment de le lancer, j'ai découvert que, lesté de huit onces de plomb, mon planeur de styrofoam volait encore mieux. Subitement, il ne volait plus comme un planeur de styrofoam mais comme un véritable avion. Seul regret, je n'ai pas eu le courage d'essayer mon Skorpion aux Îles. Maintenant, alors que j'ai depuis fait voler cet avion avec grand plaisir au centre de ski Le Relais, au Mont Ste-Anne et à Leclercville, je le regrette car je réalise que j'avais les compétences pour le piloter sans tout casser.
Les Îles de la Madeleine, c'est beau mais c'est loin, il y de beaux sites de vol de pente et le vent y est garanti. Peut-être qu'un jour...
©, Louis Cimon
96-01-04